22-02-2021
La notion récente de "raison d'être" de l'entreprise, qui doit permettre de dépasser le clivage ancestral capital contre travail, illustre, entre autres, la profonde mutation de notre économie.
Dans ce contexte, la démocratisation de l'accès au capital des sociétés françaises prend tout son sens, à l'heure ou bon nombre de PME vont devoir renforcer leurs fonds propres en sortie de crise sanitaire.
Il faut pour cela convaincre les Français d'investir en direct dans leurs entreprises, malgré les obstacles de toutes natures : faible culture financière de nos compatriotes, aversion au risque, propension des intermédiaires à proposer des produits collectifs…
Il existe pourtant une réelle appétence pour des circuits courts de l'épargne, dans la mouvance du "consommer local".
Une véritable opportunité pour notre économie si nous savons intelligemment négocier ce virage.
Nos manuels d'histoire nous ont enseigné l'opposition entre capital et travail. Quand les uns apportaient les fonds nécessaires à la constitution d'un outil de travail, les autres apportaient leurs bras pour le faire tourner. Les premiers engrangeaient les profits sans partager le pouvoir, les seconds recevaient un salaire sans avoir voix au chapitre.
Ne pensons pas naïvement que ce schéma a priori simpliste a disparu, à l'heure où la richesse produite se concentre de plus en plus dans quelques mains, tandis que des travailleurs pauvres dorment dans leur voiture.
Mais l'entreprise d'aujourd'hui n'est plus celle d'hier. L'innovation technologique est souvent moins gourmande en capital que les outils industriels du XIXe siècle, ce qui ouvre des horizons à des entrepreneurs peu fortunés. Les bras d'hier ont fait place aux cerveaux d'aujourd'hui. La matière grise se partage, et avec elle le pouvoir.
La vision du capital des entreprises évolue tout comme leur "raison d'être"
Il s'agit d'un mouvement de fond que traduit notamment la notion récente de "raison d'être" de l'entreprise qui doit permettre de dépasser le clivage ancestral capital contre travail.
La démocratisation de l'accès au capital des sociétés françaises s'inscrit pleinement dans cette dynamique, à l'heure où bon nombre de PME vont devoir renforcer leurs fonds propres en sortie de crise sanitaire.
Nos compatriotes, traditionnellement réticents au placement en actions, détiennent près de 2.800 milliards d'euros sur leurs livrets ou leurs contrats d'assurance-vie en euros. Flécher 4% de cette épargne vers les entreprises équivaudrait au plan de relance de l'Etat !
Il faut donc convaincre les Français d'investir dans leurs PME. Ne parlons pas ici de la Bourse, qui fera l'objet d'un prochain article, mais plutôt d'une épargne de proximité au service d'entreprises de proximité. Le "consommer local" ne se cantonne pas à l'alimentaire. Le circuit court doit aussi s'appliquer aux placements et de nombreuses études démontrent l'appétence des épargnants pour cette nouvelle approche.
Les Français veulent autant "épargner local" que "consommer local"
L'envie ne suffit pas. Encore faut-il savoir comment investir, limiter ses risques, optimiser son investissement dans le temps. La France se distingue par sa faible culture financière mais nos concitoyens ont envie d'apprendre. Une démarche pédagogique s'impose, avec la volonté de rendre accessible un vocabulaire et des mécanismes réservés aujourd'hui à une minorité.
Certains objecteront que le placement collectif résout tous ces problèmes : mutualisation des risques, gestion de la liquidité… En d'autres mots, Chers Français, "souscrivez des parts, on s'occupe de tout". Mais combien d'épargnants sont en capacité d'investir 5000 €, ticket minimum du fonds BPI France Entreprises ? En outre, si les produits collectifs ont leur raison d'être, des études montrent que les épargnants veulent savoir dans quoi ils investissent. Ils se détournent de leurs établissements financiers classiques dont ils critiquent l'opacité de l'offre. Il faut donc aussi leur enseigner comment investir en direct dans une entreprise et redécouvrir ainsi le véritable sens de l'affectio societatis.
La crise actuelle est une opportunité pour convaincre les Français d’investir concrètement dans leur économie, non seulement pour la soutenir mais aussi pour la transformer. Chacun peut prendre part à la naissance d’un capitalisme responsable et participatif.